« Vous allumez un feu qui ne pourra s'éteindre »
Britannicus peut encore vivre.
Néron peut encore ne pas sombrer. Son précepteur Burrhus croit au
pouvoir de l'éducation : il a fait tous les efforts possibles
pour faire disparaître la cruauté naturelle de son élève derrière
une vertu dont tout le monde est convaincu.
Mais Néron se sent menacé. Ses trois ans d'efforts vertueux le
fatiguent ; le mariage que l'ambition dévorante de sa mère lui
a imposé lui pèse ; celle-ci le harcèle et refuse de céder
le pouvoir qu'elle dit avoir conquis pour lui ; surtout, il
craint toujours plus son beau-frère et frère d'adoption,
Britannicus, légitime héritier du trône. Néron s'épuise en
efforts, terrifié par sa mère, exhorté par Burrhus, pressé par sa
conscience ; il résiste, même si les suggestions insidieuses
du traître Narcisse le séduisent.
Alors paraît Junie. Et le monstre commence à lutter pour naître.
Britannicus
n'est pas une simple histoire d'amour car Junie et Britannicus ne
sont pas de simples jeunes premiers. Junie descend d'Auguste : à
ce titre, elle est de sang royal et divin. Quant à Britannicus, il
est l'héritier du trône en tant que fils légitime de Claude –
alors que Néron n'a été qu'adopté –, et parce que,
contrairement à ce dernier, il est naturellement bon.
Une alliance entre la plus vertueuse des descendantes d'Auguste et
celui qui aurait dû accéder au pouvoir constitue un danger
considérable pour l'autorité toute fraîche de Néron. L'amour
mutuel que se portent Junie et Britannicus n'est donc pas seulement
la communion intime de deux âmes qui se sont reconnues semblables :
il peut à tout instant devenir un contre-pouvoir puissant.
C'est
donc autant sur l'autorité bafouée que sur la passion déçue de
Néron que Narcisse joue constamment pour le pousser au crime ;
sans l'amour de Junie et de Britannicus, la crainte que Néron
éprouve envers son frère d'adoption ne se transformerait jamais en
haine jalouse. Et sans la double légitimité dynastique des amants
qui le bravent, Junie ne serait jamais à ses yeux qu'une autre de
ces femmes à conquérir à la Cour. L'amour et le pouvoir se
nourrissent l'un l'autre dans la tragédie : cela n'a jamais été
plus vrai que dans Britannicus.
En
montant Britannicus,
nous nous sommes donc efforcés de faire surgir le frisson que l'on
ressent en voyant des personnages qui, dépassés par la situation,
font leurs choix en pleine connaissance de cause, et sans être
écrasés par une fatalité tragique que l'on allègue trop
facilement quand on parle de Racine.
Réservations sur britannicus.reservation@gmail.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire